Mardi 30 janvier 2024, les élèves de seconde ASSP ont rencontré l’écrivaine Fanny Chiarello, dans le cadre du dispositif LALAA (Lycéens, apprentis, livres et auteurs d’ aujourd’hui) de l’agence régionale CICLIC.
Avant de rencontrer l’une des deux autrices au programme, les élèves devaient lire deux livres : la BD « La saison des roses » de Chloé Wary (2019, éditions FBFLB) et « La geste permanente de Gentil-Cœur », road-trip poétique, écrit par Fanny Chiarello. Cette dernière y raconte son périple à vélo pour retrouver une joggeuse, à la manière d’une chanson de geste : dans ce livre inclassable, écrit sans ponctuation, chaque élève devait choisir un extrait amusant et poétique pour composer ensuite une sorte de vidéo-poème, mêlant les mots de l’écrivaine à des petites diapos réalisées avec leurs photos, vidéos et autres petits montages.
La transcription complète de l’interview est à retrouver ci-dessous. La geste permanente de Gentil-Cœur est à retrouver au CDI, aux éditions de l’Attente, ou sur le site de l’écrivaine : Silence radieux – Le vide-poche de Fanny Chiarello
[Être écrivaine]
Julie – Depuis quand écrivez-vous ?
Fanny Chiarello – Depuis très longtemps, j’ai des souvenirs du collège mais j’ai écrit mon premier roman en Première, je l’ai montré à ma prof de français mais j’avais tellement peur du regard de mes parents que je l’ai jeté.
Lenny – A quel âge avez-vous publié vos premiers romans ?
Fanny Chiarello – A 25 ans.
[le livre]
Aya – Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ? Et par rapport à la date de publication, c’était quand ?
Fanny Chiarello – Je l’ai écrit en 2019, en “temps réel”, chaque jour de “permanence” au parc et je l’ai publié deux ans plus tard, en 2021 mais comme on sortait de périodes de confinement, j’ai cru qu’il ne serait jamais publié.
Maéline – Pourquoi les glyphes changent à chaque chapitre ?
Fanny Chiarello – C’est une idée de l’éditrice que j’ai trouvé chouette.
La Reine Princia – Pourquoi avez-vous choisi d’ajouter des photos ?
Fanny Chiarello – On m’avait commandé un reportage photo sur le bassin minier et c’est lors de mes balades que j’ai croisé cette jeune fille qui courrait dans le parc : en la voyant, j’ai repensé à moi au même âge et mon enfance m’est revenue.
[l’inspiration]
Laurine – J’ai trouvé que ça faisait comme un journal intime : est-ce que c’est le cas ?
Fanny Chiarello – Oui, tout à fait, ou plutôt un journal de bord vu que je m’intéresse aux détails et que je les note au quotidien.
Maligane – Comment avez-vous trouvé l’inspiration ?
Fanny Chiarello – Je ne crois pas à l’inspiration, je suis nourrie par l’observation du quotidien et émerveillée par ce que je vois et j’ai envie de rendre compte de la densité de l’espace terrestre. Ici, c’est une rencontre furtive qui m’a tout d’abord donné envie d’écrire un roman, « Le sel de tes yeux »* où je confie mon adolescence à cette même joggeuse.
[l’intrigue]
Madeline – Est-ce que vous l’avez retrouvée ? Eloïse – Est-ce que la joggeuse est devenue une personne importante, qui compte dans votre vie ?
Fanny Chiarello – C’est compliqué car j’ ai envoyé une lettre à sa mère (avec le journal qui présentait l’exposition) pour lui demander l’autorisation de l’exposer mais je n’ai eu aucune réponse. Je crois finalement que c’est mieux comme ça… imaginez qu’elle soit homophobe !
[l’écriture et la poésie]
Cloé – Combien de temps écriviez-vous chaque jour passé au parc ?
Fanny Chiarello – Près de 8 heures par jour.
Maëlys – Est-ce que vous écrivez directement en vers ?
Fanny Chiarello – Je faisais une liste avec les mots clés et ensuite, je les mettais en vers mais je les modifiais souvent, très souvent !
Rose – Pourquoi avoir choisi d’écrire sans aucune ponctuation ?
Fanny Chiarello – Je n’aime pas faire comme tout le monde et je ne voulais pas respecter les règles rigides de la ponctuation française…même si je le fais dans mes romans.
Justine – Est-ce que vous comprenez lorsqu’on vous dit que votre roman est difficile à lire ?
Fanny Chiarello – Non, je n’en avais pas conscience, je pensais que c’était une lecture légère : je le sais depuis que je fais ces ateliers avec des classes mais je me dis que si on ne comprend pas tout, il reste un peu de mystère et donc on a envie d’y revenir. C’est comme dans les relations humaines, je préfère les gens qui gardent un peu de mystère que ceux qui sont sans surprises.
Laurine – Quand vous l’avez écrit, est-ce que vous avez pensé à une tranche d’âge de lecteurs ? adultes ou ados ?
Fanny Chiarello – J’y pense quand j’écris pour les ados ; là, je prends en compte que les publics ne sont pas habitués à lire, donc j’écris avec une “ponctuation parfaite” mais j’ai toujours aimé chercher des mots dans le dictionnaire, donc j’insère beaucoup de mots peu connus ou désuets et des références culturelles (ciné, musique…) : le lecteur est libre de faire ses recherches pour en savoir plus.
[aujourd’hui]
Louna – Est-ce que vous allez toujours dans ce parc ?
Fanny Chiarello – Non, j’ai une blessure profonde par rapport à ce parc : j’y suis repassée une fois et il y avait plein d’hommes fluos qui étaient en train d’abattre les arbres de l’entrée pour en faire un parking. La première photo ne serait donc plus possible aujourd’hui, comme celle de la maisonnette (page 108) qui a été détruite, tout comme le mini golf qui était envahi par la végétation et qui est maintenant interdit d’accès (page 78).
Les animaux sont omniprésents dans « La Geste », quel est votre rapport avec eux, avec la nature ?
Fanny Chiarello – Je suis anti-spéciste : pour moi, un arbre n’a pas moins de valeur que l’espèce humaine. La planète n’est pas à moi, le rapport de domination au vivant est tellement barbare… Pourquoi abattre un arbre en pleine santé ? Surtout pour faire une piste cyclable au bord de laquelle on plante des arbres qui mettront des dizaines d’années à se développer.
*Le sel de tes yeux, L’Olivier, janvier 2020